© Ivo Rackwitz
J’attends…
Ils sont passés comme le flot qui détruit et ravage.
Ils sont passés comme la vague qui emporte les plages.
Ils sont passés comme la tempête, celle qui tue les poètes.
Il ne reste que les débris… De vie, de lui.
La maison des voisins qui brûle dans la nuit.
J’ai froid mais cette chaleur je fuis.
Je suis seule et j’ai douze ans, je suis seule et sans maman.
Le rouge sature mes sens, ce rouge qui vole mon enfance.
La couleur du sang et des drapeaux, la couleur du feu qui dévore la peau.
La couleur du manteau de celui que j’attends, mon sauveur, le père de tous les enfants…
Mon père, mon idole qui gît sur le sol. Comme ses livres qui gisent à mes pieds, emplis de paix et d’amour comme il sied.
Papa qui ne se savait pas l’ennemi,
de ces hommes habillés de gris.
Comme les loups des contes et légendes, ils violaient et déchiraient la viande.
J’attends…
Il viendra ce soir ou demain, portant des cadeaux dans ses mains.
Il regardera dans ces orbites sombres où ne règne plus que l’ombre.
Les vestiges de celle que j’étais, une enfant radieuse et gaie.
Il m’apportera des yeux qui n’ont pas vu d’horreurs.
Il m’apportera un cœur pour éviter que je meure.
Nous jetterons au loin les restes noircis des souvenirs béants de cette vie.
J’attends…
Je monterai sur son traîneau, je m’y tiendrai tout au bord, pendant que nous volerons loin vers le nord.
Je montrerai mes fesses à la mort et nous rirons, toujours et encore…
J’attends…
Ivo Rackwitz
Un photographe et un peintre de mes amis. Il est né il y a plus de trente ans à Halle an der Saale, dans la DDR de jadis. Il vit maintenant à Hambourg, sur l’Elbe et non loin de la mer.
Ce texte, inspiré par le travail d’Ivo, fait référence aux ravages de la conquête d’un territoire par une armée quelconque, quoi que les images qui me venaient en tête étaient celle de l’Armée rouge en 1945.